Droit du travail

Recevabilité des Enregistrements clandestins dans un Contentieux d'Accident du Travail

Cass. 2e civ., 6 juin 2024, nº 22-11.736 

Le 6 juin 2024, la Cour de cassation a rendu un nouvel arrêt important illustrant la recevabilité des enregistrements réalisés à l'encontre de leur auteur, dans le cadre d'un contentieux relatif à un accident du travail et à la faute inexcusable de l'employeur.

Un salarié a déclaré avoir subi des violences verbales et physiques de la part de son employeur. La CPAM a reconnu l'accident du travail en se fondant sur un enregistrement clandestin. L'employeur a contesté cette décision en invoquant le caractère déloyal de l'enregistrement fourni par le salarié, réalisé à son insu. Parallèlement, le salarié a demandé la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

La Cour de cassation a rappelé les principes dégagés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme concernant le droit à la preuve. Une preuve illicite peut être admissible si elle est indispensable pour prouver la prétention de celui qui l'invoque et si l'atteinte aux droits opposés est proportionnée au but recherché.

La Cour de cassation souligne le changement de jurisprudence survenu le 22 décembre 2023 (n°20-20.648). Désormais, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention d'une preuve ne conduit pas automatiquement à son rejet. Le juge doit évaluer si cette preuve compromet le caractère équitable de la procédure et doit faire l'équilibre entre le droit à la preuve et les droits fondamentaux de l'autre partie, tels que la vie privée et l'égalité des armes…

La Cour de cassation a conclu que, dans ce cas, l'utilisation de l'enregistrement réalisé à l'assurance de l'employeur était nécessaire pour que le salarié puisse prouver tant le caractère professionnel de l'accident que la faute inexcusable de l'employeur. 'employeur. L’atteinte à la vie privée du dirigeant était proportionnée à l’objectif de prouver les violences subies.

Cet arrêt rappelle que les juridictions doivent suivre une méthodologie précise pour apprécier la recevabilité des preuves.

L'utilisation de preuves obtenues de manière déloyale doit être mesurée et strictement indispensable pour prouver une prétention.

 

Auteur : Magalie Marchesseau Lucas

Droit du travail

Accident du travail : au moindre doute sur la réalité de l’accident, faites des réserves motivées !

L'accident du travail est un évènement soudain qui survient au temps et au lieu de travail.

Parfois, le salarié informe son employeur de la survenance d'un accident du travail, sans qu'aucune personne n'ait pu en être témoin.

Lorsque l'employeur établit la déclaration d'accident du travail, sur les seules affirmations du salarié, et sans émettre la moindre réserve sur l'existence de cet accident , la CPAM accepte la prise en charge de cet accident sans être tenue de faire une enquête.

 

Alors, au moindre doute, l'employeur peut faire des réserves motivées à la CPAM, avec sa déclaration d'accident du travail et au plus tard dans les 10 jours, en expliquant précisément des raisons pour lesquelles il remet en cause la matérialité de l'accident. Il ne suffit pas de dire qu'on conteste l'accident. Il faut argumenter ses doutes.

La CPAM sera alors tenue de procéder à une enquête contradictoire (questionnaire employeur et salarié, audition de témoins, étude des preuves produites par l'employeur et le salarié, etc…) avant de décider, si oui ou non, l'accident peut être considéré comme un accident du travail.

 

Cette procédure est importante car les conséquences en cas de reconnaissance de l'accident du travail peuvent être coûteuses pour l'entreprise :

- en fonction de la taille de l'entreprise : augmentation des cotisations accident du travail

- protection du salarié pendant l'arrêt de travail contre le licenciement

- en cas d'inaptitude, doublement de l'indemnité de licenciement si l'inaptitude a, au moins partiellement, une origine professionnelle.

- recours éventuel en faute inexcusable de l'employeur

 

Alors, n'hésitez plus, si vous avez un doute sur la réalité d'un accident du travail, faites des réserves motivées, et pensez à vous faire accompagner par un avocat…

 

Auteur : Magalie Marchesseau Lucas

Droit du travail

Le salarié est-il obligé de venir à l’entretien préalable au licenciement ?

L'entretien préalable est une phase obligatoire de la procédure de licenciement pour l’employeur, que le licenciement soit motivé par des raisons personnelles (disciplinaires ou non) ou économiques (excepté pour les licenciements économiques visant plus de 10 personnes).

 

L'employeur doit obligatoirement convoquer le salarié à cet entretien pour lui exposer les motifs du licenciement envisagé et entendre ses explications avant de prendre une décision définitive.

L’employeur doit respecter un délai de 5 jours ouvrables entre la réception de la convocation et l’entretien.

En revanche, le salarié n'est pas obligé de s'y présenter.

L’entretien préalable est conçu dans l’intérêt du salarié pour qu’il puisse entendre les motifs du licenciement envisagé et s’en expliquer. Son absence n’empêche pas l’employeur de poursuivre la procédure.

Si le salarié ne se présente pas à l’entretien, l’employeur n’est pas obligé d’en organiser un autre, même en cas de maladie, à condition que l’heure de l’entretien soit pendant les heures de sorties autorisées.

En cas d’absence légitime du salarié, il est conseillé à l’employeur de l’informer des griefs retenus contre lui et de l’inviter à faire connaître ses observations. Si l’employeur reporte l’entretien, il doit respecter un nouveau délai de cinq jours.

 

Et si l’employeur manque à son obligation d’organiser l’entretien préalable ?

L'ordonnance MACRON du 22 septembre 2017 a modifié les règles relatives aux sanctions des licenciements irréguliers. Selon l'article L 1235-2, alinéa 5, du Code du travail, le juge accorde au salarié une indemnité à la charge de l'employeur lorsqu'une irrégularité est commise au cours de la procédure, notamment en cas de non-respect des règles relatives à l'entretien préalable.

 

Cette indemnité, qui ne peut dépasser un mois de salaire, est accordée pour procédure irrégulière. Toutefois, si le licenciement n'est pas justifié, le salarié ne peut prétendre qu'à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et non à l'indemnité pour irrégularité de procédure.

 

Le respect des formalités de la procédure de licenciement est crucial, car des irrégularités peuvent survenir à chaque étape. Il est recommandé aux employeurs de consulter un professionnel du droit pour mettre en œuvre une procédure de licenciement et aux salariés de se faire assister pendant et après cette procédure.

 

En cas de contentieux, le Conseil de Prud’hommes examinera non seulement la régularité du licenciement, mais aussi l’exécution du contrat de travail dans son ensemble.

 

Auteur : Magalie Marchesseau Lucas

Droit du travail

Harcèlement sexuel et obligations de l’employeur

(Commentaire de l'arrêt de la Cour de Cassation, Chambre sociale, 2 mai 2024, 21-14.828)

Par un arrêt du 2 mai 2024, la Cour de cassation a rendu un arrêt intéressant en matière de harcèlement sexuel. Une salariée avait déclaré des faits de harcèlement sexuel par le président d'une association, survenu en dehors des lieu et heures de travail. La salariée a sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail, suggérant que l'employeur avait méconnu son obligation de sécurité en ne prenant aucune mesure pour mettre fin au harcèlement déclaré.

Au visa de l'article L1153-5 du code du travail, la Cour fait droit à la demande de résiliation du contrat aux délits de l'employeur, considérant que l'employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les faits de harcèlement sexuel , d'y mettre fin et de les sanctionner, et ce,

- même si la salariée était en arrêt de travail au moment de la dénonciation

- et même si les faits ont été commis en dehors du lieu et des heures de travail, dès lors qu'ils ne sont pas détachables de la vie professionnelle,

- et même si les faits ont donné lieu à une enquête préliminaire suivie d'un rappel à la loi.

Cet arrêt réaffirme que la protection des salariés contre le harcèlement est une priorité et que les employeurs doivent mener une enquête interne , déterminant le contexte dans lequel ils se produisent.

Employeurs, pensez à l'avocat pour faire votre enquête interne !

Auteur : Magalie Marchesseau Lucas

Droit du travail

Preuve des heures de travail par l’employeur, même en l’absence d’un système objectif, fiable et accessible de contrôle du temps de travail

Pour la première fois à ma connaissance, dans un arrêt du 7 février 2024 (pourvoi n° 22-15.842), la Chambre sociale de la Cour de cassation indique expressément que « L'absence de mise en place par l'employeur d'un tel système [objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur] ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies. »

Devant les premiers juges, une salariée faisait valoir l’existence d’heures supplémentaires non rémunérées et produisait aux débats un tableau récapitulatif des heures qu’elle prétendait avoir effectuées, un décompte hebdomadaire, ainsi que deux témoignages.

En défense, l’employeur communiquait des bulletins de paie démontrant le paiement des heures supplémentaires effectuées autres que celles prévues au contrat de travail, un cahier de relevé d’heures manuscrit et des témoignages.

Pour écarter les prétentions de la salariée, la Cour d’Appel avait pris en compte les éléments de deux parties, dont ceux de l’employeur, pour considérer qu’aucune heure supplémentaire n’avait été accomplie.

Devant la Cour de Cassation, la salariée reprochait à la Cour d’Appel d’avoir retenu des éléments produits par l’employeur, qui ne provenaient pas d’un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier, contrairement aux obligations rappelées par la CJUE dans son arrêt du 14 mai 2019 (affaire 55/18).

La Cour de Cassation n’a pas suivi ce raisonnement.

Sans pour autant remettre en cause l’obligation pour l’employeur de mettre en place ce système, la Cour de Cassation rappelle le régime de la preuve partagée en matière de litige sur le temps de travail, tout en réaffirmant la libre appréciation du juge quant à la valeur et la portée des éléments de preuve produits par les parties.

S’il était déjà implicitement acquis, au regard de la liberté de la preuve en matière prud’homale, que l’employeur pouvait produire des éléments ne provenant pas d’un système objectif, fiable et accessible de contrôle de temps de travail, cette confirmation expresse de la Cour de Cassation est la bienvenue.

Auteur : Magalie Marchesseau Lucas