Faire construire sa maison d'habitation entre rêve et cauchemar : le recours au contrat de construction de maison individuelle (CCMI)

Faire construire sa maison, sa villa ou son pavillon reste un objectif prioritaire d’un grand nombre de français. Cependant, c'est une opération extrêmement onéreuse d'une part et complexe d'autre part. Il s'agit d'un parcours du combattant pour obtenir le financement, l'assurance du financement, les autorisations d'urbanisme, l'assurance dommages ouvrages, trouver tous les corps d’état, assurer la coordination et le suivi des travaux, …

Aussi, pour simplifier ce type d'opération et offrir aux propriétaires un certain nombre de garanties, la loi du 19 décembre 1990, codifiée aux articles L230-1 et suivant du code de la construction et de l'habitation, a mis en place le régime des contrats de construction de maisons individuelles.

Ce type de contrat permet aux propriétaires de terrain (bien que les entreprises de construction de maisons individuelles, par le biais de sociétés « cousines », offrent également des terrains) de faire construire la maison de leurs rêves en ayant une garantie financière d'achèvement, une assurance dommages-ouvrages, une garantie d'exécution dans les délais et en n’ayant pas à se préoccuper de l'obtention des autorisations d'urbanisme ni de la coordination des différents lots de construction. 

La Cour de cassation dans un arrêt du 15 juin 2022 (n°21-12 733) confirme la Cour d'appel de PAU qui a rejeté les demandes formées par le maître d'ouvrage contre la banque, garant de livraison prévue par le contrat de CCMI.

La Cour rappelle que les conditions d'intervention du garant qui couvre les dépassements de prix convenu, les pénalités de retard et le supplément de prix, doivent se faire selon un formalisme et des délais précis : la garantie cesse passé un délai de 8 jours après la réception si le maître d'ouvrage ne s'est pas fait assister par un professionnel et qu'aucune réserve n'a été formulée (article L231-6 du code de la construction et de l'habitation).

Aussi, le maitre d'ouvrage doit veiller strictement à l’observation des délais et s’il estime que le chantier n’est pas réceptionnable, ou le sera avec un retard important, doit informer le garant qu’il sollicite son concours. 

Mais la Cour rappelle que l’inachèvement ne doit pas provenir de la faute du maître d'ouvrage.

 

Auteur : Nicolas Michelot
Cet article n'engage que son auteur.

Rémunération ou indemnisation de l’agent immobilier en cas de vente non réalisée : Un combat qui dure « la responsabilité délictuelle » VS « la loi Hoguet »

La question de la rémunération de l'agent immobilier est source de très nombreux litiges entre agents immobiliers, vendeurs et/ou acquéreurs. Néanmoins, et parce que cette profession peut être extrêmement rémunératrice, la loi a strictement encadré les pratiques pour réguler la profession d’agent immobilier et protéger sa clientèle.

Ainsi la loi numéro 70-9 du 2 janvier 1970, dite loi HOGUET, modifiée de nombreuses fois et notamment par le décret numéro 2010 - 1707 du 30 décembre 2010, en son article 6-1 alinéa 3 prévoit :

Aucun bien, effet, valeur, somme d'argent, représentatif d'honoraires, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d'entremise quelconque, n'est dû aux personnes indiquées à l'article 1er ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu'une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l'engagement des parties. 

Ainsi, et de jurisprudence constante, la commission de l’agent n’est pas due s’il la vente n’est pas réalisée. La loi HOGUET est d’ordre public. Il ne peut y être dérogé (cass, civ 1ière , 16/11/2016, 15-22010 – cass, civ 1ière, 3 mai 2018, 17-16657).
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 novembre 2016, 15-22.010, Publié au bulletin - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 mai 2018, 17-16.657, Inédit - Légifrance (legifrance.gouv.fr)

Ainsi, même l’introduction d’une clause pénale ne saurait faire échec à cette règle. La règle est simple : pas de vente = pas de rémunération. En revanche, à quel moment considère-t-on que la vente a eu lieu ?  Ainsi, après la signature du compromis de vente, et la levée des conditions suspensives, le refus de réitérer la vente par acte authentique, par la partie tenue au paiement de la commission, entrainera l’obligation au paiement de la commission. La cour de cassation ayant eu l’occasion de juger que si la vente est réputée parfaite par accord sur la chose et le prix, alors le droit à commission est acquis (cass civ 1ière, 10 octobre 2018, 16-21044 Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 10 octobre 2018, 16-21.044, Inédit - Légifrance (legifrance.gouv.fr)

Toujours sur cette question de relation financière entre l’agent immobilier et le mandant, si le droit à commission n’est pas ouvert du fait de la loi spéciale (loi Hoguet), le droit commun de la responsabilité délictuelle trouve néanmoins à s’appliquer.
 
En effet, si le comportement du vendeur ou de l’acquéreur qui a confié un mandat est tel qu’il est constitutif d’une faute, alors cela l’oblige à indemniser l’agent immobilier à hauteur du préjudice subi du fait de la faute. La condition est de prouver la faute (Cass 1ière civ, 6 /12/2017 , 16-15249) 
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 décembre 2017, 16-15.249, Inédit - Légifrance (legifrance.gouv.fr) La Cour de cassation dans un arrêt du 19 janvier 2022 (n° 20-13619) précise encore sa jurisprudence. Non seulement, la faute du mandant engage sa responsabilité délictuelle, mais encore il n’est pas possible de neutraliser par anticipation l’engagement de cette responsabilité. En effet, la responsabilité délictuelle, de l’article 1241 du code civil, est d’ordre public. Son application ne peut être limitée ou neutralisée par anticipation. En conclusion, La rémunération ou l’indemnisation de l’agent immobilier en cas de non-réalisation de la vente est une affaire complexe qui dépend des circonstances précises de chaque mandat… Un seul conseil: consultez un avocat.

 

Auteur : Nicolas Michelot
Cet article n'engage que son auteur.

Travaux en copropriété : la mise en oeuvre de l'obligation de mise en concurrence

Le syndicat de copropriété, représenté par son syndic, a pour mission de planifier, faire voter et exécuter des travaux ou des services pour le compte de la copropriété. Dans un souci de transparence et de gestion « en bon père de famille », la loi du 10 juillet 1965 impose une mise en concurrence lors de l’engagement de telles dépenses. Dans un arrêt important rendu le 9 mars 2022, la Cour de Cassation précise les obligations qui pèsent sur le syndicat de copropriété, et l'articulation de l'article 21 de la loi avec l'article 19-2 du décret du 17 mars 1967 (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 9 mars 2022, 21-12.658, Publié au bulletin - Légifrance)

Le premier de ces textes prévoit que l'Assemblée Générale des copropriétaires, statuant à la majorité de l'article 25 (majorité des voix de tous les copropriétaires) arrête un montant des marchés et contrats à partir duquel une mise en concurrence est rendue obligatoire.

Article 21 : 

L'assemblée générale des copropriétaires, statuant à la majorité de l'article 25, arrête un montant des marchés et des contrats à partir duquel la consultation du conseil syndical est rendue obligatoire. A la même majorité, elle arrête un montant des marchés et des contrats autres que celui de syndic à partir duquel une mise en concurrence est rendue obligatoire.

À défaut de fixation d'un tel seuil, la mise en concurrence est simplifiée et c’est alors qu'intervient l'article 19-2 qui prévoit que :

« La mise en concurrence pour les marchés de travaux et les contrats autres que le contrat de syndic, prévu par le 2ème alinéa de l'article 21 de la loi du 10 juillet 1965, lorsque l'Assemblée Générale n'en a pas fixé les conditions, résulte de la demande de plusieurs devis ou de l'établissement d'un devis descriptif soumis à l'évaluation de plusieurs entreprises. »

Il résulte de la combinaison de ces 2 textes que si l'Assemblée Générale a fixé un seuil au-delà duquel une mise en concurrence est obligatoire, alors plusieurs devis doivent être soumis au vote de l'Assemblée Générale.

Cependant il semble que la jurisprudence du 27 novembre 2013 numéro 12-26395 ne soit pas remise en cause par l'arrêt du 9 mars 2022 et que la mise en concurrence a été respectée si plusieurs entreprises ont été sollicitées et qu'elles n'ont pas toutes communiqué leur réponse.

La Cour d’appel a retenu que des devis avaient été demandés à deux ou trois entreprises dont le nom était précisé pour chacun des lots, et en ayant exactement déduit que l'obligation de mise en concurrence avait ainsi été respectée, la circonstance que pour certains lots, les entreprises consultées n'aient pas toutes répondu n'affectant pas la régularité de la délibération dès lors que les documents annexés à la convocation décrivaient de façon suffisamment précise le détail des différents travaux prévus ainsi que leur coût global et par lots, de sorte que les copropriétaires avaient disposé des éléments nécessaires pour prendre une décision en connaissance de cause.

 

Auteur : Nicolas Michelot
Cet article n'engage que son auteur.

Condition suspensive dans une vente immobilière et dépôt de garantie (clause pénale ou indemnité d’immobilisation)

Actuellement, le secteur de la vente immobilière ne connaît pas la crise. Du moins, dans le Sud des Landes et au Pays Basque. La pression démographique conjuguée à une attractivité des territoires sont telles les prix ne font que croître, de manière frénétique, sans réelle corrélation avec la valeur des biens immobiliers, ni avec le pouvoir d’achat des ménages.
Face à cette frénésie, les potentiels acquéreurs désemparés sont amenés, dans l'urgence, à faire des offres qui bien souvent sont à la limite maximale de leurs capacités financières. Aussi, il est fréquent que des offres soient faites et que les banques sollicitées refusent leurs concours. 

Qu'ils utilisent une promesse unilatérale de vente ou une promesse synallagmatique de vente pour sceller l'accord intervenu entre le vendeur et l'acquéreur, les notaires, rédacteurs d'actes, vont dans les deux cas prévoir une condition suspensive d'obtention d'un financement dans cet acte.

Cependant, dans l'empressement des signatures et la multitude des documents remis (une promesse avec ses annexes comprend plus d’une centaine de pages incompréhensibles) : quel est le rédacteur ou la partie qui prête attention à la rédaction de la clause suspensive ? 

En effet, il n’y a pas une seule rédaction type de la clause suspensive. Chaque notaire peut l’aménager en fonction de ses habitudes ou la situation particulière du vendeur et de l'acquéreur. 

La clause suspensive d'obtention du prêt doit prévoir des actions à mener pour sa réalisation, un délai, et des actions à mener en cas de non-respect du délai et des conséquences qui en découlent.

La condition suspensive est traitée aux articles 1304 et suivants du Code civil.

Il est prévu que l'obligation est effective lorsque la condition est réalisée et qu’elle est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.

Ainsi le bénéficiaire de la condition suspensive, en pratique l'acquéreur, devra veiller à la respecter scrupuleusement. Première obligation : Le bénéficiaire de la promesse doit être l'émetteur de la demande de prêt. 

À cet égard, le signataire d'une promesse de vente avec faculté de substitution veillera également à faire des demandes de prêts à son nom car en cas de non obtention du prêt par le bénéficiaire de la faculté de substitution, le signataire de la promesse sera considéré comme défaillant et sera tenu de payer la clause pénale stipulée. Deuxième obligation Le bénéficiaire de la promesse devra également, dans les délais, faire le nombre de demandes de financement tel que cela est prévu au contrat.

Que se passe-t-il en cas de non-respect du délai ?
Cela dépend de la rédaction de la clause.
Ainsi, parmi les mécanismes qui régissent le fonctionnement des clauses suspensives, certains actes ne font qu’indiquer une date à laquelle la condition suspensive doit être réalisée et conditionnent la validité de la promesse aux démarches faites dans les délais. Si passée cette date, la condition n'est pas réalisée alors la sanction est la caducité, c’est-à-dire l’annulation de l’acte (Cass, 3e chambre civile du 29/05/2013 numéro 12 -17077). 

À défaut de stipulation de validité, il ne s’agit que d’un délai à partir duquel l’acquéreur peut engager un démarches pour se libérer de son engagement. Il faut alors suivre les étapes d’un mécanisme qui a été décrit dans l’acte, même s’il n’est pas toujours aisé de le comprendre (3e chambre civile 15/01/2014 n°12 - 28 362 et 3e chambre civile, 23/06/2010, numéro 09 - 15 939). Troisième obligation : L’acquéreur veillera à faire sa demande par écrit, en précisant exactement la durée et le taux demandés, tels que cela a été prévu au contrat. Ces demandes devront être scrupuleusement réalisées dans le délai convenu.

Dans une affaire récente, la 3e chambre civile (14/01/2021 numéro 20-11224) précise que lorsque la promesse prévoit un montant maximum de prêt à un taux maximum, l'obtention d'un prêt, dans le délai de la promesse pour un montant inférieur correspond à la lettre de la promesse.

 
Si l’acquéreur n’a pas respecté à la lettre les obligations prévues à l’acte alors le dépôt de garantie reviendra au vendeur … mais après une procédure judiciaire.

 

Auteur : Nicolas Michelot
Cet article n'engage que son auteur.

Le Tour d’échelle, ou comment pénétrer chez son voisin pour effectuer des travaux chez soi ?

On entend régulièrement parler du droit ou de la servitude de tour d’échelle. De quoi s’agit-il ?
C'est la construction juridique qui autorise le voisin à pénétrer sur son fond (chez soi), lorsque par exemple, cela est indispensable pour réparer un mur privatif construit à la limite de propriétés, ou un toit (travaux de crépi, ravalement, échafaudage, gouttières …).

Une telle servitude n'est pas inscrite dans le Code civil, cependant elle a été consacrée par la jurisprudence.

Si, compte tenu du droit de propriété, il n'est pas possible d'obliger le voisin à consentir une telle servitude, un propriétaire ne peut s’y opposer lorsque certaines conditions sont réunies :

 

  • Il doit s'agir d'une réparation bien que certaines décisions l'accordent également pour les constructions nouvelles.
  • Les travaux projetés doivent être indispensables, imposés par une décision administrative, ou pour préserver l'ouvrage et éviter une dégradation.
  • Il doit être constaté l’impossibilité d'effectuer les travaux sans passer chez autrui, mais il ne peut s'agir d'une simple commodité ou d'une solution plus économique.


Cependant il ne s'agit pas d'une servitude au sens légal du terme puisqu’aucun droit ne nait sur le fond voisin.

Ainsi l'étendue de ce droit doit être appréciée de manière raisonnable, au titre des bonnes relations de voisinage.

Ce n'est donc qu'une autorisation temporaire et lorsqu'elle est donnée, le mieux est d'en définir les modalités de passage (la fréquence, l'assiette, la largeur, les véhicules ou les personnes autorisées, la durée et éventuellement l'indemnisation si le passage provoque un trouble ou des dégâts).

S'il ne s'agit pas d'un droit, le voisin sur le fond duquel il est demandé le passage ne peut pour autant pas s'y opposer au risque de voir son refus dégénérer en abus et de se voir condamner à des dommages et intérêts, comme vient de le rappeler la Cour de cassation :

Mais attendu qu'ayant constaté que les travaux étaient nécessaires à la finition de l'ouvrage et qu'il n'existait qu'une seule possibilité de pose d'un échafaudage sur une bande de terrain situé entre les deux habitations en vue de crépir le mur de la villa appartenant à M. K..., la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant relatif à l'intérêt visuellement esthétique que cette intervention présentait pour M. V..., en a souverainement déduit que la demande devait être accueillie ;
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 26 mars 2020, 18-25.996

Si les bonnes relations de voisinage ne vous permettent pas de vous entendre, alors allez consulter un avocat.

Attention, car une telle création jurisprudentielle n'est pas applicable aux ouvrages mitoyens dont le régime diffère, et encore faut il que les limites de propriétés soient clairement établies …

 

Auteur : Nicolas Michelot
Cet article n'engage que son auteur.