Dans un arrêt du 1er octobre 2025, la Cour de cassation rappelle une règle essentielle pour les partenaires liés par un PACS conclu avant la réforme de 2006 : lorsqu'un bien est acquis pendant le PACS, il est présumé indivis, même si l’acte d’achat est signé au nom d’un seul partenaire. L’inscription au seul nom d’un partenaire ne suffit donc pas à écarter le régime légal d’indivision.
L’affaire concernait des véhicules acquis durant le PACS par un seul partenaire. À la rupture, l’autre a revendiqué des droits indivis sur ces biens. La Cour de cassation confirme qu’à défaut de clause contraire ou de preuve excluant l’indivision, les biens achetés pendant le PACS tombent dans l’indivision légale prévue par l’ancien article 515-5 du Code civil.
Ce qu’il faut retenir pour les praticiens : l’apparence (nom figurant sur l’acte) ne prime pas sur le régime légal applicable. En matière de liquidation-partage, l’analyse doit donc porter sur la date d’acquisition, la loi applicable au PACS, et l’existence — ou non — d’une stipulation excluant l’indivision. Cet arrêt renforce l’intérêt de conseiller aux partenaires d’anticiper la gestion de leurs biens via des clauses précises ou conventions spécifiques.
Pour les particuliers : si votre PACS date d’avant 2007, un bien acheté par votre partenaire pendant le PACS peut vous appartenir pour moitié, même si seul son nom figure sur la facture. À l’inverse, si vous souhaitez qu’un bien vous soit exclusivement propre, il faut le prévoir clairement dans l’acte d’achat ou dans une convention entre partenaires.
En pratique, cette décision encourage une anticipation patrimoniale rigoureuse. Les partenaires doivent être informés que le PACS n’est pas qu’un contrat affectif : il a des effets patrimoniaux concrets, qu’il convient d’organiser.
Auteur : Paul BLEIN
La Cour de cassation, dans un arrêt du 2 juillet 2025 (Cass. 1re civ., 2 juill. 2025, n° 23-16.329), vient rappeler avec force l’exigence fondamentale de la donation-partage : chaque donataire doit recevoir un lot véritablement distinct, composé de biens divis, et non de simples quotes-parts indivises.
En l’espèce, la question posée était de savoir si une donation-partage attribuant à trois gratifiés à la fois des biens en pleine propriété (divis) et des biens en indivision risquait d’être requalifiée en donation simple.
La jurisprudence antérieure de la Cour de cassation était déjà ferme : il n’y a donation-partage que si l’ascendant effectue une véritable répartition matérielle de ses biens entre ses descendants, chaque gratifié devant recevoir un lot privatif.
Une opération qui se limite à attribuer des quotes-parts indivises, même si certains donataires reçoivent également des biens en pleine propriété, encourt la disqualification. Cette sanction transforme la libéralité en donation simple, avec des conséquences majeures : rapport à la succession, évaluation des biens au jour du décès, perte du gel des valeurs et risques fiscaux accrus.
La difficulté et l’originalité de la décision qui nous intéresse aujourd’hui tient au fait que la donation-partage comportait des lots « mixtes », c’est-à-dire composés à la fois d’un bien attribué en pleine propriété et d’une quote-part indivise d’un autre bien.
Certains auteurs en Doctrine ont pu considérer que la qualification de donation-partage pouvait être maintenue.
Auteur : Paul BLEIN
Aujourd’hui, il semble que la Cour de cassation entend clarifier ce débat : pas de donation-partage s’il subsiste une indivision.
Pour les familles et les praticiens du droit, la leçon à tirer est claire : la donation-partage reste un outil puissant de transmission patrimoniale, mais il impose le respect strict de la logique du partage. Attribuer à chaque enfant un lot individualisé, sans laisser subsister une indivision entre eux, garantit la sécurité juridique et fiscale de l’opération.
À l’inverse, une distribution mal structurée peut entraîner des conséquences imprévues et coûteuses.
Dans un arrêt du 12 juin 2025, la première chambre civile de la Cour de cassation a rappelé que, dès lors que le Juge des enfants a confié l’enfant à l’ASE, il ne peut ordonner que le placement s’effectue depuis le domicile d’un ou des deux parents.
En l’espèce, le divorce des parents était prononcé en 2021 et la résidence de l’enfant commun était fixée au domicile maternel.
Un accompagnement en assistance éducative en milieu ouvert était alors en cours.
Toutefois, par ordonnance du 28 novembre 2023, le Juge des enfants a ordonné le placement de l’enfant à l’Aide Sociale à l’Enfance pour une durée d’un an. Il précisait alors que ce placement prendrait la forme d’un placement éducatif à domicile chez la mère et que le père bénéficierait d’un droit de visite et d’hébergement classique.
Or, aucun texte ne prévoit la possibilité d’un placement auprès de l’ASE depuis le domicile parental.
La première chambre civile de la Cour de cassation profite du cas d’espèce pour rappeler les dispositions en vigueur :
- Aux termes de l’article 375 du code civil, lorsqu’un enfant est en danger, le Juge des enfants peut être saisi pour ordonner une mesure d’assistance éducative ;
- Selon l’article 375-2 du même code, chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel qui s’entend de son milieu familial ;
- Enfin, selon l’article 375-3, 3° dudit code, si la protection de l’enfant l’exige le Juge des enfants peut décider de le confier à un service départemental de l’ASE.
Les rappels de la Cour sont clairs dans leur interprétation : dès lors que la situation de danger dans laquelle l’enfant se trouve justifie un placement, celui-ci ne peut s’effectuer depuis le domicile parental où le danger a été établi.
En filigrane, on comprend donc que le placement de l’enfant auprès des services de l’ASE est une mesure radicale qui doit être prise dès lors que le maintien du mineur dans son milieu familial n’est pas possible car constitutive d’un danger.
Ce faisant, le placement n’est pas compatible avec un maintien au domicile, et ce, dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
Il appartient donc au Juge des enfants, soit de maintenir une assistance en milieu ouvert avec tous les étayages qui s’offrent à lui, soit, en cas d’échec de prononcer le placement. Mais ce placement impliquera d’extraire le mineur de son milieu actuel, qui ne garantit pas sa protection.
Auteur : Roxane VEYRE
Dans un arrêt du 12 juin 2025, la première chambre civile de la Cour de cassation a pris de soin de rappeler le caractère obligatoire de l’entretien individuel du Juge des enfants avec l’enfant mineur capable de discernement, dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative.
Ce rappel est bienvenu dans le contexte d’un droit français qui veut renforcer la prise en considération de la parole de l’enfant dans les procédures de concernant.
En l’espèce, le juge des enfants a ordonné le placement d’un enfant auprès de l’Aide sociale à l’enfance et accordé un droit de visite médiatisé aux parents en lieu neutre.
La mère a fait appel de cet arrêt, contestant le placement et le droit de visite qui lui était accordé. Elle relevait alors qu’en tranchant ainsi, sans avoir entendu l’enfant ni même constaté son absence de discernement, la Cour d’appel a violé les articles 375 et 375-1 du Code civil ainsi que l’article 1189 du Code de procédure civile.
De manière pédagogue, la première chambre civile de la Cour de cassation prend le soin de rappeler les textes applicables à l’audition de l’enfant mineur dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative, notamment :
- L’article 375-1 du code civil en ses alinéas 1 et 2, qui précise que le Juge des enfants doit s’efforcer de recueillir l’adhésion de la famille à la mesure envisagée et se prononcer dans le strict intérêt de l’enfant ;
- Le même article, en son alinéa 3, qui dispose qu’il doit systématiquement effectuer un entretien individuel avec l’enfant capable de discernement lors de son audience ou de son audition ;
- Les articles 1182, 1184 et 1189 du Code de procédure civile qui posent l’obligation faite au Juge des enfants d’entendre l’enfant capable de discernement ;
- Plus précisément l’article 1189 dudit code qui précise que si le juge peut dispenser le mineur de se présenter à l’audience ou ordonner qu’il se retire pendant les débats, il doit néanmoins l’entendre.
La Cour de cassation déduit et rappelle ainsi clairement les principes applicables à l’audition de l’enfant capable de discernement dans le cadre de la procédure d’assistance éducative :
- D’abord, elle rappelle que la Cour d’appel a toujours la faculté d’entendre l’enfant si elle l’estime nécessaire ;
- Ensuite, elle précise qu’elle en a l’obligation si l’enfant, capable de discernement a, soit demandé à être entendu, soit n’a pas été entendu préalablement par le juge des enfants.
Elle prend également le soin de rappeler que l’audition de l’enfant mineur capable de discernement doit prendre la forme d’un entretien individuel.
Si ces précisions n’apportent que peu d’intérêt au cas d’espèce puisque les mesures prises par le juge des enfants ont épuisé leurs effets au moment où la première chambre civile s’est prononcée, elles viendront s’inscrire dans une démarche claire : celle de prendre en compte la parole de l’enfant mineur capable de discernement dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative le concernant.
Auteur : Roxane VEYRE
La Cour de cassation, dans un arrêt du 12 juin 2025, apporte un rappel salutaire concernant l’indemnité d’occupation due dans le cadre d’une indivision post-communautaire entre époux divorcés. Cet arrêt, destiné à publication (n° 433 F-B), précise les conditions dans lesquelles l’un des ex-époux peut être tenu de verser une indemnité à l’indivision, et notamment la nécessité de caractériser une jouissance privative effective du bien indivis.
🧩 Contexte : divorce, indivision et usage du logement
En l’espèce, deux ex-époux, mariés sans contrat de mariage, sont engagés dans une procédure de liquidation de leur régime matrimonial après un divorce prononcé en 2018. Le logement, ancien domicile conjugal, était un bien commun. Par une ordonnance de non-conciliation de mai 2015, la jouissance du bien avait été attribuée à l’époux à titre onéreux.
Estimant que ce dernier continuait d’occuper le bien seul, la cour d’appel de Nancy, par arrêt du 1er septembre 2023, l’a condamné à verser une indemnité d’occupation de 500 € par mois, à compter de mai 2015 et jusqu’au jour du partage.
L’époux a saisi la Cour de cassation.
⚖️ Problématique juridique : à partir de quand une indemnité est-elle due dans l’indivision ? A partir de quand cesse-t-elle également ?
La question posée à la Cour de cassation était la suivante :
Un indivisaire est-il redevable d’une indemnité d’occupation jusqu’au jour du partage, même s’il a cessé d’occuper le bien avant cette date ?
Autrement dit, le simple fait que le partage ne soit pas encore intervenu suffit-il à maintenir l’indemnité d’occupation, ou faut-il une occupation effective et exclusive du bien ?
🧷 Solution de la Cour : nécessité de constater une jouissance privative
Par un attendu clair, la première chambre civile casse partiellement l’arrêt d’appel. Elle rappelle la règle posée par l’article 815-9, alinéa 2, du Code civil, selon laquelle :
« L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité. »
La Cour reproche à la cour d’appel d’avoir condamné l’époux à une indemnité d’occupation jusqu’au partage sans vérifier s’il avait effectivement remis le bien à l’indivision comme il l’avait pourtant conclu.
Elle précise que l’indemnité cesse d’être due dès la remise effective du bien, indépendamment de la date de partage.
💡 Apport et portée pratique de l’arrêt
Cet arrêt illustre parfaitement l’équilibre que le juge doit opérer entre les intérêts des indivisaires et la rigueur des principes de l’indivision. Il est particulièrement pertinent en matière de divorce, où le partage du patrimoine commun intervient souvent longtemps après la séparation.
Pour les praticiens, plusieurs enseignements peuvent être tirés :
- L’indemnité d’occupation ne se présume pas : elle doit reposer sur une occupation privative avérée, ce qui suppose une analyse factuelle précise.
- La preuve de la remise du bien à l’indivision incombe à l’indivisaire occupant : remise des clés, état des lieux, déménagement, mise en location peuvent constituer des éléments utiles.
- Le point final de l’indemnité d’occupation n’est pas automatiquement le jour du partage, mais le jour de la restitution effective du bien à l’indivision.
🔗 À retenir pour les clients
Si vous êtes en cours de séparation ou de divorce, que vous avez occupé un bien en indivision à charge d’indemnité mais que vous quittez ce bien, il est essentiel de formaliser votre départ du logement pour éviter de devoir une indemnité jusqu’au partage.
Votre avocat peut vous accompagner pour préserver vos droits dans la liquidation du régime matrimonial et optimiser la gestion des biens indivis.
Auteur : Paul BLEIN
- LA PRESTATION COMPENSATOIRE DOIT-ELLE TENIR COMPTE DES DROITS PREVISIBLES A LA RETRAITE ? Cass. Civ, 1, 5 mars 2025, n° 22-24-122
- ADOPTION PLENIERE DE L’ENFANT DU CONJOINT : OPPOSITION DE LA MERE BIOLOGIQUE EN DEHORS DU DELAI LEGAL Cass. Civ, 1, 26 mars 2025, n° 22-22.507
- Le Décret n° 2025-47 du 15 janvier 2025 : Les précisions apportées quant au renforcement de l’ordonnance de protection et la création de l’OPPI
- LA QUESTION DE LA VALIDITE D’UN TESTAMENT REDIGE DANS UNE LANGUE NON COMPRISE PAR LE TESTATEUR.