Parents et éducation : quelles punitions sont permises ou interdites ?
Zoom sur la décision de la Cour d’appel de Metz du 18 avril 2024
relaxant au nom du « droit de correction » un père accusé de violence sur ses fils
« On ne peut pas éduquer son enfant par la violence ». Bien que l’éternel débat sur la fessée et la correction refasse régulièrement surface, le principe de non-violence est ancré dans le droit français depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2019-721 du 10 juillet 2019 qui proscrit le recours aux gifles, fessées, humiliations et toute forme de violence physique ou psychologique.
Ainsi l’article 371-1 du Code civil prévoit en son alinéa premier que « l’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant » et en son alinéa 3 que cette autorité parentale « s’exerce sans violences physiques ou psychologiques ».
Enfin, l’article 222-13 du Code pénal prévoit que les violences sur mineur de 15 ans par ascendant légitime en présence d’ITT inférieur ou égal à 8 jours peuvent être sanctionnés de peines allant jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75.000 € d’amande.
L’instauration du principe d’intolérance à toute forme de violence éducative a été saluée par les associations de protection de l’enfance et constitue une aide pour les magistrats qui n’ont plus à trancher ces questions extrêmement délicates :
- Quelle est la frontière entre violence légère et maltraitance ?
- Comment caractériser si un acte est à but éducatif ou simplement un acte violent ?
La réponse juridique est désormais limpide : aucun acte de violence à l’encontre d’un enfant ne doit être toléré ou admis. La France se conforme ainsi aux engagements de la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989.
Dans ce contexte, et depuis maintenant 5 ans, le débat « de la fessée » se voyait vidé de sa substance tant le cadre légal semblait limpide.
La Cour d’appel de Metz, dans son arrêt rendu le 18 avril dernier, l’a pourtant ravivé tant sur la scène médiatique que sur le plan juridique.
En l’espèce, un père de famille (exerçant qui plus est la profession de policier) était poursuivi pour des faits de violences intrafamiliales sur ses enfants et sur son épouse.
Condamné en première instance à une peine de 18 mois d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’à un retrait de l’autorité parentale, ce dernier a fait appel.
Devant la Cour d’appel, le père reconnaissait pratiquer une éducation stricte et rude. Les témoignages des enfants étaient concordants et corroborés, ces derniers indiquant avoir été victimes, entre autres, de violences physiques allant de gifles à des actes d’étranglement.
La Cour d’appel a relaxé le père de famille en adoptant un raisonnement ambivalent. Elle a d’abord reconnu l’existence de ces violences mais dans un second temps, a considéré que celles-ci étaient justifiées par un droit de correction parentale.
Elle retenait en l’espèce que ces violences n’avaient causé aucun dommage aux enfants, qu’elles étaient proportionnées aux manquements qui les avaient justifiés, et qu’elles ne présentaient pas de caractère humiliant.
Sur la scène médiatique, dans un contexte de recrudescence et de médiatisation des phénomènes de violences juvéniles, certains voient cet arrêt comme un écho au message véhiculé par un gouvernement qui demande aux parents la mise en œuvre une fermeté éducative.
Toutefois, peut-on considérer l’admission d’un droit de correction jurisprudentiel sans fondement légal comme une avancée ? Rien n’est moins sûr… Il existe une incohérence certaine à admettre la prévention de la violence par la violence.
Sur le plan juridique, cet arrêt est critiquable dans son positionnement. En droit, le raisonnement de la Cour d’appel est contradictoire.
Dès lors qu’une infraction est caractérisée, la personne poursuivie ne saurait être relaxée. Si la Cour d’appel avait considéré que l’infraction n’était pas assez caractérisée (par manque d’éléments de preuves par exemple), la relaxe n’aurait pas suscité de débat.
La problématique ici réside dans le fait que l’infraction est caractérisée puisque la Cour admet l’existence des violences. La juridiction d’appel aurait pu faire le choix de diminuer le quantum de la première peine mais l’abandon des poursuites ne semblait pas juridiquement envisageable.
En statuant ainsi, la Cour d’appel de Metz vient légitimer le recours à la violence sans aucun fondement juridique. C’est la raison pour laquelle le Parquet général et les parties civiles se sont pourvues en Cassation.
A l’évidence, le principe de l’annihilation totale des violences éducatives reste confronté à des résistances auxquelles il convient de prêter une attention toute particulière pour éviter un recul des droit de l’enfant.
Auteur : Roxane Veyre