Droit de la famille

Ordonnance de protection envers un parent : qu’en est-il des enfants ? Cour de cassation, Chambre civile 1, 23 mai 2024, n° 22-22.600

Créée par la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010, l’ordonnance de protection est un outil majeur à la disposition des Juges aux affaires familiales pour lutter efficacement contre les violences intrafamiliales et protéger les victimes.

On ne peut que saluer son appropriation croissante et son renforcement au fur et à mesure des années pour offrir une meilleure protection immédiate des victimes.

L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 23 mai 2024 s’inscrit dans ce renforcement et vient apporter une précision utile quant à l’aménagement des droits parentaux suite à la délivrance d’une telle ordonnance.

 

En l’espèce, une femme a saisi le Juge aux affaires familiales d’une demande d’ordonnance de protection à l’encontre de son conjoint, prétendument violent.

Le Juge aux affaires familiales a fait droit à cette demande, estimant que les deux conditions cumulatives de l’article 515-11 du Code civil étaient remplies, à savoir :

  • La commission vraisemblable de faits de violence ;
  • L’existence d’un danger actuel et probable pour la victime et/ou les enfants.

 

En conséquence, le Juge aux affaires familiales a fait interdiction au défendeur, non seulement d’entrer en contact avec la demanderesse, mais a également élargi cette interdiction de contact à l’enfant commun autrement qu’à l’occasion du droit de visite qui lui a été accordé.

Le Juge a en effet estimé que la protection de l’intégrité de la demanderesse justifiait l’élargissement de l’interdiction de contact à l’enfant commun.

 

Le défendeur relevait appel de ce jugement en ce qu’il ne justifie pas d’un quelconque danger propre à fonder l’interdiction de contact avec son enfant. La Cour d’appel confirmait cependant la décision de première instance.

Le défendeur formait un pourvoi en Cassation et arguait que l’ordonnance de protection visait à protéger la demanderesse et que l’existence d’un danger pour l’enfant n’était pas caractérisée. Qu’ainsi, rien ne justifiait une restriction si drastique de ses droits parentaux.

 

La Cour de cassation a pour autant confirmé l’arrêt de la Cour d’appel.

 

Elle adopte ainsi une position très claire : dès lors que les violences alléguées sont vraisemblables, tout comme le danger auquel est exposé la demanderesse, les juges du fond sont parfaitement fondés à élargir l’interdiction de contact aux enfants communs, sans pour autant se prononcer sur l’existence d’un danger encouru par ceux-ci.

 

Ainsi, la Cour de cassation vient renforcer la jurisprudence antérieure en précisant que le Juge aux affaires familiales peut, à la faveur de la délivrance d’une ordonnance de protection, restreindre les droits parentaux sans motivation particulière quant à l’existence d’un danger pour les enfants.

 

Cet arrêt s’inscrit dans une volonté accrue de protection des victimes de violences intra-familiales.

 

Non seulement, la restriction des droits parentaux dans le cadre d’une ordonnance de protection s’entend parfaitement pour la protection directe de la victime en ce qu’elle diminue les interactions entre les parents et donc les occasions de confrontation entre victime et agresseur.

Il n’est en effet pas rare, dans un contexte de violences intrafamiliales, que les enfants deviennent un moyen de pression à disposition de l’agresseur pour forcer le contact avec la victime.

 

En outre, il ne faut pas négliger le fait qu’un épisode de violence conjugale fait craindre une répétition de ces violences sur le ou les enfants du couple. Il convient donc de les en protéger.

 

La Cour de cassation a ainsi tranché, sans surprise, en faveur des victimes de violences intrafamiliales et a également rappelé le pouvoir souverain des juges du fond pour prendre les mesures adaptées à chaque cas d’espèce dans le cadre de la délivrance d’une ordonnance de protection.

 

L’on sait désormais que ces mesures peuvent inclure une restriction des droits parentaux, sans qu’il y ait la nécessité de constater un danger pour le/les enfant(s) commun(s).

 

Auteur : Roxane VEYRE