Logement gratuit chez ses parents et succession
C’est la question du rapport à la succession de l'avantage en nature dont a bénéficié un ayant droit, avantage constitué par son logement gratuit au domicile du de cujus.
Article 843 C.Civ dans sa rédaction issue de la loi du 23 juin 2006,
Article 1315 du Code civil. Un des héritiers peut-il demander à un de ses cohéritiers, (généralement son frère ou sa sœur), de rapporter à la succession une somme correspondant à l’avantage en nature dont il a bénéficié en ayant été logé gratuitement par ses parents ou l’un d'eux ?
Le principe est posé par l’art 843 du Code Civil :
Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.
Avant d’envisager une telle demande, il convient de consulter un Avocat, spécialiste en matière de succession.
Il saura vérifier si une telle demande est recevable au vu des faits du dossier.
Et tenter, préalablement à la mise en place d’une procédure, une transaction en présentant des arguments solides.
Il est en effet nécessaire de rapporter la preuve à la fois de l’élément objectif - appauvrissement du disposant- et de l’élément subjectif - l’intention libérale- qui définissent la donation.
En effet, au visa de l'article 1315 du Code civil,
Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Il est de jurisprudence constante que c’est au demandeur qui sollicite le rapport de prouver non seulement l'appauvrissement du disposant (le parent) mais encore son intention libérale envers son enfant en lui assurant le logement à son propre domicile.
Cass. 23.10.2013 10-28620
Cass .18.01.2012 11-12863
Cass. 18.01.2012 09-72542
Cass. 20.03.2013 11-21368
Cass. 25.09.2013 12-24779
Il est nécessaire de rapporter la preuve de l'existence même et surtout la réunion conjointe de ces deux éléments.
Quatre arrêts rendus en 2012 par la Haute Cour marquaient en premier lieu l’abandon de la théorie de l’avantage indirect objectif et conséquemment le retour de l’intention libérale , et en second lieu, la volonté de la Cour de Cassation de ramener cet avantage dans le giron des libéralités. Dans ces quatre arrêts la Cour de Cassation avait opéré un revirement complet et avait estimé que seule une libéralité qui suppose un appauvrissement du disposant dans l’intention de gratifier son héritier est rapportable à la succession.
C’était le retour en force de l’animus donandi
La jurisprudence est constante depuis.
Cass.civ 23.10.2013
Cass.civ 25.06.2014
EXEMPLES : L’appauvrissement :
Il est possible que l’héritier ait habité avec l’un de ses parents, occupation non exclusive, et non pas dans un autre appartement dont ce dernier aurait pu tirer des revenus.
En ce cas le parent n’a donc été privé d’aucun revenu immobilier.
Parfois, la présence de l’enfant au domicile peut même permettre au parent de faire de substantielles économies, par exemple en lui permettant de rester à son domicile au lieu de rentrer dans une maison de retraite.
Indirectement d'ailleurs le patrimoine revenant à la succession s'en trouve augmenté.
Sur les frais de nourriture et autres, réglés directement par le parent dans le cadre de cette cohabitation, il convient de rappeler les termes de l’article 852 du Code Civil : Les frais de nourriture, d'entretien, d'éducation, d'apprentissage, les frais ordinaires d'équipement, ceux de noces et les présents d'usage ne doivent pas être rapportés, sauf volonté contraire du disposant
Il est donc vain d’argumenter sur ce dernier point. L’intention libérale :
Vient ensuite la nécessité de démontrer l'intention libérale du parent :
Sur ce point il faut souligner que seule une libéralité qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier est rapportable à la succession.
Cass.civ 18.01.2012
Il est donc nécessaire de pouvoir démontrer que le logement de l’enfant par le parent a causé un appauvrissement au dit parent et dans l'intention exclusive de gratifier ce dernier.
La Cour de cassation par exemple en son arrêt du 23.10.2013, a statué en ces termes, alors que l’occupation avait duré plus de 20 ans.
Il est donc essentiel de disposer en amont d’un dossier solidement construit pour pouvoir obtenir satisfaction.
Même remarque si l’on se trouve être celui à qui le rapport est demandé : il faut s’attacher à démontrer que le demandeur échoue à rapporter la preuve de ces deux éléments conjugués, appauvrissement du disposant et volonté de gratifier son héritier.
RAPPEL de Bon Sens, Mais …:
Si le juge n'est pas saisi d'une demande tendant à la liquidation et au partage de la succession, la demande de rapport de l'avantage indirect dont aurait bénéficié un héritier doit être écartée.
La demande de rapport devra être formulée devant le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DU LIEU D’OUVERTURE DE LA SUCCESSION dans le cadre général d’une demande tendant à la liquidation et au partage de la succession.
C’est ce qu’a, à juste titre, rappelé la Cour de Cassation dans un arrêt récent du 4 janvier 2017 n° 15-26827, publié:
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 septembre 2015) que, par acte du 1er juin 1984, Joséphin X...et Antoinette Y..., son épouse, ont consenti à leurs deux enfants, Philippe et Muriel, une donation à titre de partage anticipé de divers biens immobiliers ; qu'ils sont respectivement décédés en 1988 et 2007 ; que Muriel X... est décédée en 2011, laissant pour héritiers M. Z..., son époux, et leur fille Manon ; que M. X... a sollicité le rapport à la succession de sa mère de la valeur de la jouissance gratuite par sa sœur de l'un des biens donnés dont les donateurs s'étaient réservés l'usufruit ;
Mais attendu que les juges du fond n'ayant pas été saisis d'une demande tendant à la liquidation et au partage de la succession d'Antoinette Y..., les demandes de M. X... ne pouvaient qu'être écartées ; que le moyen est inopérant ;
C’était, semble-t-il, le seul objet du litige depuis la 1ère instance, les parties n’avaient saisi le Tribunal que sur ce point précis : il est parfaitement regrettable d’être allé jusqu’en Cassation pour n’aboutir à rien, puisque le moyen a été relevé d’office par la Haute Cour…
Auteur : Marie-Christine Vincent-Alquié
Cet article n'engage que son auteur.