Indivision post-communautaire et indemnité d’occupation : précision importante de la Cour de cassation (Civ. 1re, 12 juin 2025, n° 23-22.003)
La Cour de cassation, dans un arrêt du 12 juin 2025, apporte un rappel salutaire concernant l’indemnité d’occupation due dans le cadre d’une indivision post-communautaire entre époux divorcés. Cet arrêt, destiné à publication (n° 433 F-B), précise les conditions dans lesquelles l’un des ex-époux peut être tenu de verser une indemnité à l’indivision, et notamment la nécessité de caractériser une jouissance privative effective du bien indivis.
🧩 Contexte : divorce, indivision et usage du logement
En l’espèce, deux ex-époux, mariés sans contrat de mariage, sont engagés dans une procédure de liquidation de leur régime matrimonial après un divorce prononcé en 2018. Le logement, ancien domicile conjugal, était un bien commun. Par une ordonnance de non-conciliation de mai 2015, la jouissance du bien avait été attribuée à l’époux à titre onéreux.
Estimant que ce dernier continuait d’occuper le bien seul, la cour d’appel de Nancy, par arrêt du 1er septembre 2023, l’a condamné à verser une indemnité d’occupation de 500 € par mois, à compter de mai 2015 et jusqu’au jour du partage.
L’époux a saisi la Cour de cassation.
⚖️ Problématique juridique : à partir de quand une indemnité est-elle due dans l’indivision ? A partir de quand cesse-t-elle également ?
La question posée à la Cour de cassation était la suivante :
Un indivisaire est-il redevable d’une indemnité d’occupation jusqu’au jour du partage, même s’il a cessé d’occuper le bien avant cette date ?
Autrement dit, le simple fait que le partage ne soit pas encore intervenu suffit-il à maintenir l’indemnité d’occupation, ou faut-il une occupation effective et exclusive du bien ?
🧷 Solution de la Cour : nécessité de constater une jouissance privative
Par un attendu clair, la première chambre civile casse partiellement l’arrêt d’appel. Elle rappelle la règle posée par l’article 815-9, alinéa 2, du Code civil, selon laquelle :
« L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité. »
La Cour reproche à la cour d’appel d’avoir condamné l’époux à une indemnité d’occupation jusqu’au partage sans vérifier s’il avait effectivement remis le bien à l’indivision comme il l’avait pourtant conclu.
Elle précise que l’indemnité cesse d’être due dès la remise effective du bien, indépendamment de la date de partage.
💡 Apport et portée pratique de l’arrêt
Cet arrêt illustre parfaitement l’équilibre que le juge doit opérer entre les intérêts des indivisaires et la rigueur des principes de l’indivision. Il est particulièrement pertinent en matière de divorce, où le partage du patrimoine commun intervient souvent longtemps après la séparation.
Pour les praticiens, plusieurs enseignements peuvent être tirés :
- L’indemnité d’occupation ne se présume pas : elle doit reposer sur une occupation privative avérée, ce qui suppose une analyse factuelle précise.
- La preuve de la remise du bien à l’indivision incombe à l’indivisaire occupant : remise des clés, état des lieux, déménagement, mise en location peuvent constituer des éléments utiles.
- Le point final de l’indemnité d’occupation n’est pas automatiquement le jour du partage, mais le jour de la restitution effective du bien à l’indivision.
🔗 À retenir pour les clients
Si vous êtes en cours de séparation ou de divorce, que vous avez occupé un bien en indivision à charge d’indemnité mais que vous quittez ce bien, il est essentiel de formaliser votre départ du logement pour éviter de devoir une indemnité jusqu’au partage.
Votre avocat peut vous accompagner pour préserver vos droits dans la liquidation du régime matrimonial et optimiser la gestion des biens indivis.
Auteur : Paul BLEIN