Harcèlement moral : même si les fais de harcèlement ne sont pas avérés, le salarié peut faire valoir la violation de l’employeur à son obligation de prévention du harcèlement
Dans un arrêt du 23 novembre 2022 (n°21-18951), la Cour de Cassation précise que « l’obligation de prévention du harcèlement moral, qui découle de l’article L1152-4 du Code du Travail, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral définie par l’article L1152-1 du même code et ne doit pas être confondue avec celle-ci. »
Rappelons que selon l’article 1152-4, « L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. » Tandis que l’article 1152-1 stipule qu’« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
L’employeur a donc deux obligations distinctes : prévenir les faits de harcèlement et stopper les faits qui surviennent.
Dans cette affaire, un salarié avait signalé des faits de harcèlement moral à son employeur, qui n’avait pas réagi. Quelques mois plus tard, le salarié a été licencié pour faute grave et a saisi le Conseil de Prud’hommes pour contester son licenciement en invoquant le harcèlement moral subi, et pour obtenir la condamnation de l’employeur pour harcèlement moral et violation de l’obligation de prévention du harcèlement moral.
Le Conseil de Prud’hommes a rejeté la demande de nullité du licenciement et les autres demandes relatives au harcèlement moral. Le salarié a alors fait appel de cette décision.
La Cour d’appel a confirmé le jugement, considérant que « la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée. Les demandes relatives au harcèlement, à la prévention des actes de harcèlement moral et au licenciement doivent par conséquent être rejetées. »
La Cour de Cassation a estimé, au regard de l’article L1152-4 du Code du Travail, que cette décision était erronée : « En statuant ainsi, alors que le salarié faisait valoir dans ses conclusions qu’il avait dénoncé le 21 juillet 2016 auprès de son employeur des agissements de harcèlement, sans réaction de celui-ci, et formait devant la cour d’appel une demande de dommages et intérêts distincte pour violation de l’obligation de prévention du harcèlement moral, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
La Cour de Cassation souligne clairement que l’absence de faits de harcèlement moral ne signifie pas que l’employeur a respecté son obligation de prévention, et n’empêche donc pas le salarié de réclamer des dommages et intérêts pour cette violation. La Cour insiste également sur le fait que l’employeur n’a pas réagi au signalement du salarié.
Cela rappelle que, lorsqu’un harcèlement moral est dénoncé, l’employeur doit réagir sans délai pour éclaircir les faits. La Cour de Cassation a réitéré à plusieurs reprises que l’employeur doit mener une enquête interne. Si vous êtes confronté à une telle situation, il est recommandé de confier cette enquête à un avocat.
Auteur : Magalie Marchesseau-Lucas