Droit de la famille

Enlèvement international d’enfant : l’enfant peut exceptionnellement retourner dans un autre État que celui de sa résidence habituelle (Cass. 1re civ., 10 juill. 2024, n° 24-12.156)

Dans cette affaire, le père danois, M. [F], demande le retour de son fils au Danemark après que la mère ukrainienne, Mme [B], a déplacé l’enfant, dont il convient de préciser qu’il avait toujours vécu en Ukraine et jamais au Danemark, en France sans en informer le père.

L’apport principal de cet arrêt tient à la manière dont la Cour de cassation répond à une question d’importance : vers quel état le retour de l’enfant peut-il/doit-il être ordonné ?

En effet, on pourrait penser que par le terme « retour de l’enfant », il doive impérativement être envisagé que l’enfant ne puisse être déplacé à nouveau que vers l’Etat dans lequel il avait, jusqu’au déplacement illicite, sa résidence habituelle.

La Cour de préciser cette question de manière claire :

« La Convention [de La Haye du 25 octobre 1980] ne précise pas l'État à destination duquel le retour de l'enfant doit être ordonné.

Son préambule énonce que l'objet de la Convention est d'établir des procédures en vue de garantir le retour immédiat de l'enfant dans l'État de sa résidence habituelle.

Il ressort du rapport explicatif de la Convention que celle-ci tend, en considération primordiale de l'intérêt supérieur de l'enfant, au rétablissement de la situation antérieure, en ramenant l'enfant dans la zone d'influence des juridictions de sa résidence habituelle initiale, lesquelles ont, en cas de déplacement ou de non-retour illicite, vocation à conserver leur compétence pour statuer sur les modalités de l'exercice de l'autorité parentale.

Le principe est donc le retour de l'enfant dans l'État de sa résidence habituelle immédiatement avant le déplacement ou le non-retour illicite.

Toutefois, il ressort du même rapport que le silence de la Convention sur la désignation de l'Etat de retour résulte du souhait des négociateurs d'en éviter une application inutilement rigide, l'essentiel étant de protéger le droit des enfants à ne pas être écarté d'un certain milieu qui, parfois, sera fondamentalement familial, et de permettre ainsi aux autorités de l'État de refuge, lorsque le demandeur n'habite plus l'État de la résidence habituelle antérieure au déplacement, de lui renvoyer directement l'enfant sans égard au lieu de sa résidence actuelle.

Une telle interprétation est de nature à préserver, dans l'intérêt de l'enfant, les objectifs de protection de ses liens avec ses deux parents et de prévention des déplacements ou non-retours illicites, y compris dans des situations où aucun des parents n'habite plus dans l'État de la résidence habituelle initiale.

Il s'en déduit que le retour de l'enfant peut être demandé vers un État autre que celui dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicite, mais à titre exceptionnel.

Dans l'intérêt supérieur de l'enfant, un tel retour ne peut être ordonné que s'il permet de replacer l'enfant dans un environnement qui lui est familier et, ce faisant, de restaurer une certaine continuité de ses conditions d'existence et de développement. »

La Cour de cassation de valider très clairement la possibilité d’ordonner le retour de l’enfant dans un pays autre que celui où l’enfant avait sa résidence habituelle avant le déplacement illicite.

Si en l’espèce la Cour de cassation valide le raisonnement des Conseillers de la Cour d’appel de ne pas avoir ordonné le retour de l’enfant au Danemark, l’enfant n’y ayant jamais vécu et étant visiblement bien intégré dans son nouvel environnement auprès de sa mère avec laquelle il avait toujours vécu, c’est au regard de l’intérêt de l’enfant qui doit en tout état de cause prévaloir dans l’application de la convention de La Haye du 25 octobre 1980.

 

Auteur : Paul BLEIN