Droit de la famille

Bail d’habitation : divorce et paiement des loyers

Le devenir du logement familial dans le cadre d’un divorce est une interrogation récurrente, d’autant plus lorsque le logement est un bien en location.

Quand bien même la séparation interviendrait avant le prononcé du divorce, les loyers sont des dettes ménagères dont les deux conjoints sont solidairement responsables en termes de paiement.

La Cour de cassation a pu le rappeler classiquement dans son arrêt du 11 janvier 2024 (Cass Civ 3, 11 janvier 2024, n° 22-10.525) (II)

Mais la Haute juridiction a également pu préciser la nature juridique des indemnités d’occupations, qui ne sont pas assimilables à des dettes ménagères, lorsqu’un seul des époux se maintient dans le logement après la résiliation du bail (III).

 

I.               Le cas d’espèce

Au cas d’espèce, le 9 août 2012, des bailleurs ont donné à bail une maison à usage d’habitation à des époux.

L’épouse a quitté le domicile familial peu de temps après, à la fin de l’année 2012.

Plusieurs années se sont écoulées avant que les bailleurs ne fassent délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail.

Le 19 janvier 2018, ils faisaient délivrer un congé avec offre de vente aux époux.

L’époux assignait alors les bailleurs en suspension des effets de la clause résolutoire ainsi qu’en nullité du congé délivré. Les bailleurs appelaient l’épouse à la cause et sollicitaient, à titre reconventionnel :

-        La résiliation du bail par effet de la clause résolutoire ;

-        La validation du congé ;

-    Le prononcé de l’expulsion des occupants et leur condamnation au paiement des loyers impayés et des indemnités d’occupation dues à compter de la résiliation du bail jusqu’à la libération effective des lieux.

Le 19 juin 2020, un procès-verbal de reprise des lieux était finalement dressé.

Le 30 septembre 2021, le divorce des époux était prononcé, soit près de 9 ans après la date de séparation.

Le 24 novembre 2021, la Cour d’appel de Lyon condamnait solidairement les ex-époux au paiement d’une somme au titre des loyers et des indemnités d’occupation impayés, au visa des articles 1751 et 262 du Code civil.

L’épouse s’est pourvue en cassation, et contestait le caractère ménager de l’indemnité d’occupation générée par le mari seul, postérieurement à la résiliation du bail. Elle estimait qu’il n’existait pas de solidarité passive entre époux concernant ces indemnités.

 

 

II.              Les loyers : des dettes ménagères pesant solidairement sur les époux 

Tant que le divorce n’a pas été prononcé, le bail appartient aux deux époux même si l’un d’eux seulement a signé le contrat (article 1751 alinéa 1 du Code civil).

En conséquence, aucun des époux ne peut résilier seul le contrat de location et, à l’inverse, le congé du propriétaire doit être notifié à chacun des époux. C’est une garantie qui permet de protéger les deux époux.

Toutefois, cela implique également que, jusqu’à la transcription du divorce en marge des registres d’état civil, les loyers constituent des dettes ménagères pour lesquelles les époux sont tous deux solidairement responsables des paiements, même si le propriétaire a été averti de la résidence séparée (Cass Civ. 3, 31 mai 2006, n° 04-16.920).

Le propriétaire peut donc parfaitement réclamer le paiement des loyers à l’époux qui n’habite plus dans les lieux.

C’est notamment ce que rappelle la Troisième chambre civile dans son arrêt du 11 janvier 2024.

 

III.            La distinction des loyers et des indemnités d’occupation 

Toutefois, il n’en est pas de même concernant les indemnités d’occupations générées par le maintien d’un seul des époux dans le logement après résiliation du bail.

En effet, il avait déjà été jugé que l’indemnité d’occupation due après résiliation du bail n’est pas une dette ménagère si un seul des deux époux est resté dans les lieux.

Qu’ainsi, lorsque l’épouse quitte les lieux et en avertit le bailleur avant la résiliation du bail, seul le mari est redevable de l’indemnité d’occupation due après résiliation (Cass. Civ 1, 17 mai 2017, n° 16-16.732).

C’est donc classiquement que la troisième chambre civile de la Cour de cassation est venue réaffirmer cette distinction dans son arrêt du 11 janvier 2024.

 

Auteur : Roxane Veyre