Parvenir à la vente d’un immeuble commun par un seul des deux époux : la mise en œuvre de l’article 217 du Code civil
Les immeubles dépendant de la communauté font l’objet d’une gestion conjointe par les deux époux conformément aux dispositions de l’article 1424 du Code civil. Cette gestion conjointe s’entend de plus fort s’agissant du passage d’un acte de disposition telle qu’une vente. En effet, on conçoit difficilement qu’un immeuble commun puisse être vendu par un seul époux sans le consentement de l’autre.
Toutefois, des circonstances exceptionnelles peuvent justifier qu’un époux soit contraint d’outrepasser cette gestion conjointe pour parvenir à passer seul un acte qui aurait nécessité le consentement ou le concours de son conjoint.
C’est notamment le cas lorsque l’époux oppose un refus à la vente du bien alors même que ce n’est pas dans l’intérêt de la famille, ou lorsqu’il est hors d’état de manifester sa volonté.
Dans ces deux hypothèses strictement encadrées par l’article 217 du Code civil, l’époux peut être autorisé par justice à passer seul la vente.
La procédure est, quant à elle, définie aux articles 1286 et suivants du Code civil. Les conditions de l’autorisation relatives à l’acte : Les dispositions de l’article 217 du Code civil se situent dans le prolongement de l’article 1426 du même code qui prévoit qu’un époux peut demander en justice à se substituer à l’autre dans l’exercice de ses pouvoirs de gestion de la communauté.
Toutefois, le champ d’application de l’article 217 est plus réduit, dès lors que l’autorisation accordée ne peut être générale. Cette demande doit concerner un acte déterminé (d’administration ou de disposition) ou un ensemble d’opérations spécifiques.
Il a vite été admis que l’article 217 dudit code trouve à s’appliquer à la cession d’un immeuble de la communauté (Civ 1, 17 mai 1993, n°90-17.906).
La jurisprudence a également tranché en faveur de l’époux ayant sollicité une autorisation judiciaire de vente du logement familial, et ce malgré l’attribution à titre provisoire de la jouissance du domicile conjugal à l’autre époux (Civ 1, 30 septembre 2009, n° 08-13.220).
Les Juges du fond apprécient ainsi souverainement le caractère conforme de la vente aux intérêts de la famille (Civ 1, 22 novembre 2005, 03-13.621 ; Civ 1, 30 septembre 2009, n°08-13.220).
Les conditions relatives au conjoint du requérant : L’article 217 du Code civil prévoit deux cas de figures dans lesquels l’autorisation en justice peut être sollicitée :
- Lorsque le conjoint est hors d’état de manifester sa volonté ;
- Lorsque le refus du conjoint n’est pas justifié par l’intérêt de la famille.
L’article 1286 du Code de procédure civile apporte une précision importante sur la compétence juridictionnelle.
En son alinéa premier, il prévoit que la demande de l’article 217 du Code civil est formée par requête devant le Juge aux affaires familiales.
En son alinéa second, il ajoute que lorsque le conjoint est hors d’état de manifester sa volonté, la demande doit être présentée au Juge des tutelles.
Cela signifie donc que le Juge aux affaires familiales n’est compétent qu’en présence d’un refus du conjoint du requérant. Il est donc important, avant même de saisir le Juge par voie de requête, de choisir le fondement de cette requête, puisque celui-ci va déterminer le Juge compétent.
En cas de compétence du Juge aux affaires familiales, les articles 1287 et 1288 du Code de procédure civile trouveront à s’appliquer.
En cas de compétence du Juge des tutelles, il conviendra de se référer aux articles 1289-1 et 1289-2 du même code. En tout état de cause, s’il est possible d’outrepasser le blocage d’un époux (qu’il soit volontaire ou non) pour obtenir la vente d’un immeuble commun, il faut garder à l’esprit que la demande doit toujours être fondée sur l’intérêt de la famille.
Auteur : Roxane Veyre
Cet article n'engage que son auteur.