Ordonnance de protection et divorce : l'articulation des procédures dans un contexte de violences intrafamiliales
Il est malheureusement des situations familiales dans lesquelles la séparation est la conséquence ou l’origine de violences intrafamiliales. Ces violences peuvent être physiques, économiques, psychologiques ou encore sexuelles et peuvent compliquer la séparation effective du couple ou la procédure de divorce, notamment en raison de la vulnérabilité de la victime des violences.
La loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes et aux violences au sein des couples a instauré une mesure spécifique dénommée ordonnance de protection, régie par les articles 511-9 et suivants du Code civil.
Cet outil est à disposition de l’ensemble des couples, mariés ou non, avec ou sans cohabitation. Son champ d’application est large pour permettre la protection du plus grand nombre de victimes. La procédure applicable est détaillée au sein des articles 1136-3 et suivants du Code de procédure civile.
Appliquée aux couples mariés, l’ordonnance de protection peut être sollicitée à tout moment, en amont d’une procédure de divorce ou pendant le déroulement de celle-ci. L’ordonnance de protection : un moyen préalable efficace pour sécuriser la victime en amont de la procédure de divorce. Nombre de victimes de violences intrafamiliales n’osent pas initier une procédure de divorce par crainte de représailles ou en raison d’une situation de vulnérabilité (situation d’emprise, difficultés économiques ou sociales).
Dans ces situations d’espèce, le fait de solliciter une ordonnance de protection en amont d’une procédure de divorce permet de garantir l’intégrité et la sécurité de la victime. Cela permettra également de stabiliser la situation dans un laps de temps très court.
En effet, aux termes de l’article 1136-3 du Code de procédure civile, le Juge est saisi par requête remise ou adressée au greffe. Ce dernier rend alors, sans délai, une ordonnance fixant la date de l’audience.
Cette ordonnance doit être signifiée au défendeur dans un délai très bref de 48 heures, pour permettre au Juge de statuer dans un délai maximal de 6 jours.
Une fois les parties convoquées à l’audience, le Juge statuera au vu du dossier. Il est donc primordial de disposer d’éléments de preuve des violences alléguées (plainte, main courante, témoignages entre autres…).
Le Juge aux affaires familiales sera, entre autres, compétent pour :
- Prononcer des interdictions de contact ou des interdictions de paraître dans certains lieux ;
- Prononcer une interdiction de port d’arme ;
- Statuer sur la résidence des époux (le logement conjugal étant, par principe, attribué à la victime et ce même si elle a bénéficié d’un logement d’urgence) ;
- Se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale ;
- Autoriser la partie demanderesse à dissimuler son domicile.
La totalité des compétences du Juge est listée à l’article 515-11 du Code civil.
En moins d’une semaine, la victime peut ainsi être protégée et disposer d’un environnement favorable pour lui permettre d’amorcer une procédure de divorce.
La cohabitation des mesures de l’ordonnance de protection et de la procédure de divorce Une fois l’ordonnance de protection rendue, et la victime mise à l’abri, la procédure de divorce peut être initiée.
Il convient de préciser qu’aux termes de l’article 515-12 du Code civil, les mesures de l’ordonnance de protection ne sont en principe prises que pour une durée de 6 mois.
Ces mesures peuvent toutefois être prolongées si, durant ce délai de 6 mois, une demande en divorce ou en séparation de corps est déposée par la victime mariée.
Ainsi, il est important d’introduire l’action en divorce avant l’expiration dudit délai de 6 mois.
Les mesures continueront alors de produire leurs effets jusqu’à ce qu’une décision statuant sur la demande en divorce ou en séparation de corps soit passée en force de chose jugées (article 1136-13 du Code de procédure civile).
L’émergence de violences postérieurement à l’introduction de la procédure de divorce Si le contexte de violences intrafamiliales nait directement de la procédure de divorce initiée, la victime aura toujours la possibilité de solliciter une ordonnance de protection.
L’alinéa 2 de l’article 1136-13 du Code de procédure civile dispose en effet que la demande d’ordonnance de protection devra alors être présentée devant le Juge du divorce. La demande sera alors formée, instruite et jugée selon les règles ci-avant énoncées.
Le Juge du divorce statuera par décision séparée.
Ainsi, l’ordonnance de protection apparait être un outil efficace qu’il ne faut pas hésiter à actionner. Il vient en effet palier les lenteurs d’une procédure souvent inadaptée aux contextes de violences.
Auteur : Roxane Veyre
Cet article n'engage que son auteur.